Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 juin 2008 7 01 /06 /juin /2008 07:57

Des mots gisent à terre au milieu de copeaux de crayons, de la poussière les recouvre de son épaisse fourrure, quand soudain une page vierge, blême et fade, décide de se rebeller :

« Gribouille sur le papier, fouille dans tes entrailles, cueille ta chair, débroussaille ton âme, tu as tant à raconter ! Va au fond, puise dans ton sang, bois le breuvage noir des ténèbres et déverse-le sur moi » lance une petite voix à son maître, un écrivain maudit.

« Pas ce soir, il fait trop noir, les mots se font grisaille, et le pinceau trempe dans une palette sans teint... » Pensais-je, à bout de force.

« Gribouille, je te dis, prend le pinceau, et ton stylo, l’un des deux te répondra... « poursuit la petite voix.

J’esquisse un trait...

« Allez, encore un autre..., fais toi violence, crève le silence, fait éclater ce qui bouillonne en toi »...

Un autre, sans grande conviction...

Un mot, puis un autre, je manque de temps.  Mes méninges sont lentes, mes gestes lourds et le temps s’affole. Mon cœur caracole. Il n’y a rien au fond de moi qui ne veuille sortir. Tout est bien enfoui, bien au chaud, un petit volcan dont l’activité a cessé depuis bien longtemps...

« Justement, crache ce feu, répand le sur moi, je me ferai buvard de tes douleurs ! » s’écrit encore la feuille.

Je postillonne enfin quelques « je t’aime moi non plus » qui viennent s’écraser sur les premiers traits gribouillés.. « Avec ça, je n’irai pas loin.. », me dis-je intérieurement.

« Prend ton pinceau maintenant, trempe le dans l’orange, mélange, assaisonne de quelques gouttes noires et blanches et regarde ! »

Tiens, faut voir... ça me rappelle... 

Oui, ça y est, ça vient, mes doigts tremblent, mon cœur accélère, je vibre, la feuille se remplit, au goutte à goutte de mes froideurs intérieures... Mon corps tout entier entre en transe, ça y est, elle arrive, l’inspiration !

Et la feuille de se pavaner :

« Allez, maintenant, gicle moi tout ce qui grince en toi, souille moi de tes laves, fais moi un corps neuf et vivant, un corps de feuille tout simplement. »

 

  Nanou, Novembre 2007

Partager cet article
Repost0

commentaires

N
Je crois que tu as tout résumé, Sam...<br /> Nanou
Répondre
S
Très belle relation que celle de la feuille et l'artiste! Relation charnelle, fusionnelle, passionnelle, parfois douce, parfois houleuse.
Répondre